Tatiana Budtova, médaille d’argent 2020 du CNRS
Tatiana budtova, enseignant-chercheur du cemef est récipiendaire de la médaille d’argent 2020 du CNRS.
C’est une grande fierté et une belle reconnaissance des travaux qu’elle mène depuis une vingtaine d’années sur les bio-aérogels.
A cette occasion, nous avons eu envie qu’elle nous en dise un peu plus sur ses travaux de recherche et sur leur portée.
Quelle est ton activité de recherche ?
Je travaille sur le développement de nouveaux matériaux à base de polymères biosourcés, comme, la cellulose ou l’amidon. L’utilisation de ce type de polymères est, pour l’instant, « trop » traditionnelle avec des applications dans le textile, l’agro-alimentaire ou la cosmétique (comme agents modifiants de viscosité).
J’essaie de préparer de nouveaux biomatériaux avec une plus grande valeur ajoutée : avec des nouvelles fonctions « imprévues » pour des nouvelles applications. Par exemple, nous utilisons la pectine (ce qui sert à gélifier la confiture) comme matériaux super isolants thermiques.
Je ne fais pas de modifications chimiques, mais je suis intéressée par toute la « chaine » de fabrication des biomatériaux, de leur formulation (dissolution, propriétés de solutions comme l’écoulement et la gélification) et leur mise en forme (impression 3D, séchage) jusqu’à leurs propriétés d’usage (porosité, propriétés mécaniques, conductivité thermique, utilisation pour des applications biomédicales).

Peux-tu décrire ton parcours en 5 dates ?
1992 : Soutenance de ma thèse de doctorat sur les polymères
1999 : Habilitation à diriger la recherche
2004 : Début de travaux sur les bio-aérogels
Il est intéressant ici de raconter leur histoire. Les aérogels à base de silice ont été inventés dans les années 1930 puis oubliés. Dans les années 1970-90, ils réapparaissent et des aérogels à base de polymères synthétiques sont synthétisés. Les bio-aérogels verront le jour au début des années 2000. L’idée étant de fabriquer des aérogels sans chimie, à base de polymères « tout prêt » créés par la nature. Cette idée vient d’une discussion avec des collègues du centre MINES ParisTech PERSEE. Ils sont experts en aérogels inorganiques et à base de polymères synthétiques. Côté CEMEF, nous sommes spécialistes des polymères biosourcés et des gels. Pourquoi ne pas « marier » les « bio » + « aéro » + « gel » ?
Suivra un projet européen « AeroCell » mené sous la coordination de l’entreprise Lenzing, spécialiste de la cellulose. En 2004, le CEMEF et PERSEE déposent une enveloppe SOLEAU. A l’époque, on appelle ce nouveau matériau « aérocellulose ». Maintenant, on donne le nom générique de « bio-aérogel » à tous les aérogels à base de polymères biosourcés.
2008 : Création de la Chaire Industrielle Bioplastiques soutenu et financé par Arkema, L’Oreal, Nestle, PSA et Schneider Electric
2014 : Découverte que les aérogels de pectine sont super-isolants thermiques (2013) et prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement

Quelle est ton actualité de recherche ?
Les challenges actuels portent sur la réduction des coûts de préparation des bio-aérogels (en évitant le séchage supercritique) et sur le ralentissement de leur vieillissement. Je m’intéresse également au développement de bio-aérogels de formes complexes par l’impression 3D pour des applications biomédicales. Enfin, j’explore d’autres types d’application vers l’énergie notamment.
Quelle est ta contribution majeure ?
La découverte et le développement de nouveaux matériaux biosourcés : les bio-aérogels.
Que représente ce prix pour toi ?
Je suis bien sûr très honorée par cette récompense. Je voudrais souligner qu’elle est la résultante d’un travail d’équipe : sans mes collègues et leur soutien, et surtout sans mes doctorants et post-doctorants, toutes ces réalisations n’auraient pas été possibles.
Et maintenant ?
Je vais continuer mes recherches sur les bio-aérogels, et sur les matériaux biosourcés en général. Ce domaine de recherche me passionne et il y a encore tant de choses à découvrir et développer. Il reste pas mal de travail à faire avant la mise sur le marché des bio-aérogels.
Propos recueillis le 3 mars 2020.
Tatiana Budtova recevra sa médaille d’argent lors d’une cérémonie organisée par le CNRS à l’automne 2020.
A voir aussi :
- l’interview donnée par Tatiana Budtova
- l’article portant sur l’avenir des bioaérogels
- les activités de recherches de l’équipe BIO dirigée par Tatiana Budtova
- les publications de l’équipe BIO